Bébé-cochon et femmes repoussantes

Publié le par alice-in-wonderblog

large.10c.pigandpepper-222222.jpg

 

Le chapitre 6 d'Alice au pays des merveilles intitulé "Poivre et cochon" frappe souvent le lecteur par sa violence et sa cruauté. Cette affreuse (dans tous les sens du terme) Duchesse qui secoue violemment un bébé de haut en bas qui n'en finit pas de pleurer autant par ce traitement plutôt vigoureux que par la quantité de poivre que laisse échapper dans la pièce une cuisinière hystérique qui, en plus, lance à la tête des personnes présentes ses ustensiles, a de quoi faire grimacer même le lecteur le plus allergique aux marmots. Et on comprend qu'Alice finisse par s'emparer du bébé pour le sauver d'un tel enfer domestique. Le dit bébé qui, au final, mérite peu d'être sauvé vu sa réaction absurdement ingrate et pour finir sa transformation en porcelet.


 

large.11d.pigbaby-222222.jpg

 

Mais au-delà de sa cruauté, je me suis demandé si il n'y avait pas dans cette scène une sorte d'aveu de Carroll sur le peu de cas qu'il faisait peut-être des nourissons trop braillards, des grosses matrones antipathiques et de la vie de foyer en général. 


On sait que Carroll vouait une certaine adoration aux petites filles impubères dont Alice est la figure idéalisée. Je n'ai jamais eu connaissance, en revanche, de son sentiment envers les bébés. Et en ce qui concerne les femmes, on sait tout autant qu'il "n'en faisait pas son ordinaire" pour utiliser une expression-euphémisme très XIXiè siècle.

 

Il est certain que les deux représentantes de la gente féminine (sans compter la cuisinière déjà évoquée) n'ont vraiment rien pour elles : une Duchesse comme on l'a vu antipathique et brutale mais également d'une exceptionnelle laideur et d'une bêtise, d'une lourdeur non moins exceptionnelle, toujours prête de surcroît à jouer les moralisatrices, et une Reine de Coeur qui, en plus de rassembler plus ou moins les mêmes attributs, se révèle en plus tyrannique, mégalomane, vaniteuse et sanguinaire (bien que ses menaces répétées de vouloir trancher les têtes n'amènent jamais la moindre exécution, l'intention est néanmoins bien là).

 

Peut-être bien qu'entre les bébés gémissants, résumés aux besoins corporels les plus basiques, et les femmes adultes à l'aspect et au comportement peu amènes, Lewis Carroll ait préféré, selon cette échelle de valeur, mettre au pinâcle ces fillettes qu'il chérissait tant, comme seules créatures trouvant véritablement (du moins à l'époque de la rédaction du livre) grâce à ses yeux.

Publié dans Au coeur du texte

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article